AXE 1 Les modes de subjectivation des patients et de leur entourage : « la maladie à vie »
Le programme se focalise sur une caractéristique de la médecine contemporaine et un enjeu de société majeur, qui consiste à « vivre la maladie à vie » (dès avant la naissance, à travers l’accès aisé aux informations biologiques et médicales personnelles, à travers la prévention, dans la gestion de la maladie chronique et de l’après traitement, etc.). Dans les pays développés, à côté du paradigme des maladies infectieuses et de la médecine aigüe, la maladie s’inscrit aujourd’hui dans la vie et, de plus en plus souvent, pour la vie, dès avant la naissance, mais aussi après les traitements, et dans de nombreux états aux confins du normal et du pathologique. Le projet inclut par conséquent les recherches sur les maladies chroniques, tout en les excédant pour englober les allures ou normes de vie transformées tant par la maladie que par la médecine elle-même, soit par le savoir prédictif de la maladie, soit par des interventions médicales comme la greffe, le traitement d’un cancer ou l’assistance médicale à la procréation, et qui appellent au long cours des réponses médicales et sociales adaptées. Ces nouvelles normes de vie mettent en question le paradigme de la guérison et demandent de penser une médecine de l’incurable et du soin.Comment l’identité avec la maladie se construit-elle sans pour autant se résumer à l’identité de malade ? Quelles sont les temporalités de cette expérience ? Les savoirs sur la maladie et la clinique dépassent aujourd’hui l’horizon du présent et du traitement aigu. Patients et soignants doivent prévoir et anticiper l’évolution et les multiples effets de la maladie et, pour cela, prendre en compte l’histoire du malade et l’inscription des moments de la maladie dans sa vie personnelle et sociale. De plus, la vie des personnes atteintes de maladies chroniques ou rares, mais aussi victimes d’aléas thérapeutiques ou de scandales pharmaceutiques, n’est pas seulement scandée par l’évolution naturelle de leur(s) maladie(s), mais aussi par les transitions imposées par la prise en charge médicale et l’organisation des soins. La subjectivation consiste dès lors à s’approprier la connaissance de sa maladie, mais aussi les langages et logiques de la médecine, du système de santé et des expériences d’autres patients. Plus largement, elle consiste à négocier et re-composer ses activités et ses identités personnelles et sociales. Mieux connaître l’expérience de la maladie dans la durée (les rechutes, récidives, complications à la fois certaines mais imprévisibles, la répétition du récit de soi et de ses symptômes, les ruptures de soin et leurs effets d’usure, d’épuisement voire de violence sur le patient et son entourage, etc.) est nécessaire pour améliorer la continuité des soins.